UN ENTRETIEN AVEC JOHN KUCERA

UN ENTRETIEN AVEC JOHN KUCERA

Canada Alpin s’est entretenu avec John Kucera, le nouvel entraîneur-chef de l’équipe masculine de vitesse et ancien athlète de l’équipe, pour parler de la retraite, de la transition vers le métier d’entraîneur et de la famille.

Calgary, Alberta (le 16 septembre 2019) – Le champion du monde de descente de 2009 et premier skieur canadien à remporter une course de la Coupe du monde en sol canadien à Lake Louise, John Kucera, amorce la saison 2019-2020 à titre de nouvel entraîneur-chef de l’équipe masculine de vitesse, un poste qu’il occupe depuis cet été après cinq saisons à entraîner les coureurs de l’équipe nationale de développement évoluant sur le circuit de la Coupe d’Europe.

Voici les questions et réponses d’un récent entretien avec Kucera, au cours duquel il parle de sa retraite de la compétition et de sa transition vers le métier d’entraîneur, de ses nouvelles fonctions et comment il parvient à concilier la vie professionnelle sur la route et les responsabilités familiales.

Q: Quelles sont tes fonctions et tes priorités pour la saison à venir?

JK: J’occupe le poste d’entraîneur-chef de l’équipe masculine de vitesse en Coupe du monde pour l’année qui vient. Mes principales priorités sont de faire progresser nos deux vétérans, Ben Thomsen et Dustin Cook, pour qu’ils atteignent leurs objectifs de se hisser sur le podium. Je dois aussi faciliter la transition de la nouvelle génération de coureurs qui feront leurs débuts sur le circuit de la Coupe du monde.

Q: Comment s’est passée ta transition d’athlète à entraîneur, et quels sont les aspects du métier d’entraîneur que tu ignorais ou qui t’ont surpris? Ou quelles sont les choses que tu aurais voulu savoir sur le rôle de l’entraîneur lorsque tu étais athlète?

JK: Je dirais que la transition s’est faite assez facilement. Lorsque j’étais athlète, je percevais le ski sensiblement de la même manière qu’un entraîneur. La transition a donc été assez facile en ce sens. Évidemment, il y a différents défis, surtout à mesure que j’évolue dans ce métier; le travail porte moins sur l’entraînement et davantage sur l’équipe, la planification et la logistique. C’est donc différent, et le défi est d’un tout autre ordre. C’est plaisant de pousser les jeunes gars à atteindre leurs objectifs et leurs rêves, des choses que j’ai eu la chance de faire (en tant que coureur). Cela me donne une perspective qui est, je pense, unique et j’éprouve un grand plaisir à faire ce métier.

Q: Est-ce que tu t’inspires d’anciens entraîneurs ou y a-t-il a des choses que tu fais comme certains entraîneurs que tu as eus?

JK: Je ne sais pas si je m’inspire d’une personne en particulier, mais il est évident que tous les entraîneurs que j’ai eus au fil de ma carrière d’athlète ont joué un rôle énorme pour forger le style d’entraîneur que je suis et le type d’athlète que j’étais. Je ne crois pas avoir un modèle particulier, mais je m’inspire de tout ce que j’ai appris et j’essaie de créer mon propre style d’entraîneur. En somme, je pense que tous mes entraîneurs ont une part d’influence sur mon style. Lorsque j’étais athlète, j’ai eu la chance de travailler avec d’excellents entraîneurs, alors je pense que cela m’a certainement aidé à devenir un meilleur entraîneur aussi.

Q: Quels changements as-tu remarqués dans le sport depuis l’époque où tu étais athlète?

JK: Il y en a quelques-uns. D’abord, il y a un changement de génération; les athlètes d’aujourd’hui sont différents des athlètes que nous étions possiblement dans le temps, à la fois dans notre approche et quant à d’autres aspects. Le sport est en constante évolution en ce qui concerne l’équipement, le traçage et la préparation de la piste. Je pense que cette évolution est saine et normale, mais elle n’est pas radicalement différente. En somme, je pense que le ski est un sport simple qui peut prendre une tournure complexe. Je pense que tant qu’on se souvient de maintenir la pression sur le ski extérieur et de bouger vers l’avant, ces choses ne changent jamais vraiment. Bien sûr, le sport a changé, a évolué et est plus rapide. Toutefois, les stades de développement et les habiletés fondamentales du sport sont les mêmes. 

Q: Quels sont tes souvenirs préférés, en tant qu’athlète, entraîneur ou même en dehors de la compétition?

JK: [Rires] Mes souvenirs de ski préférés... Je pense que ma victoire à Lake Louise figure sans doute en haut de la liste. C’était l’atteinte d’un but après beaucoup de travail et le fait de prendre conscience que je pouvais me mesurer aux meilleurs était un sentiment formidable. Assurément, ma victoire en descente aux Championnats du monde de 2009 est un souvenir extraordinaire. J’ai beaucoup de bons souvenirs, mais ces deux-là se démarquent nettement. 

Q: Comment fais-tu pour concilier la vie professionnelle, qui te demande de voyager beaucoup, et la vie familiale?

JK: Comme j’ai une jeune famille, j’essaie encore de trouver l’équilibre. Les coureurs de ski nord-américains passent la plupart de leur temps dans leurs valises. C’est sûr que c’est difficile, surtout lorsqu’on a un enfant en bas âge, mais cela fait partie du processus d’apprentissage. J’essaie de maximiser mon temps à la maison du mieux que je peux et d’être avec ma famille autant que je le peux. Nous essayons de faire le plus d’activités possible ensemble. En hiver, lorsque je suis sur la route, on essaie de rester en contact du mieux qu’on peut grâce à l’ère de FaceTime, Skype et d’autres applications. C’est donc plus facile que lorsque j’étais coureur. À cette époque, il fallait trouver un endroit pour acheter une carte téléphonique et essayer de passer un appel. Cela est clair que c’est un défi. Cela n’est pas facile pour les athlètes qui compétitionnent à l’extérieur de l’Amérique du Nord ni pour les entraîneurs qui travaillent en dehors du continent dans ce sport.

Q: Quand as-tu su que tu voulais devenir entraîneur?

JK: J’ai su que je voulais devenir entraîneur très peu temps après avoir annoncé ma retraite. Comme je songeais à la prendre depuis un an, j’avais eu le temps de réfléchir à mes options. J’ai toujours voulu retourner au ski et redonner de façon quelconque au sport. En fait, j’avais travaillé avec mon jeune frère lorsque j’étais blessé et que je ne courais pas pendant ma dernière saison. Cela m’avait donné un avant-goût du métier et ça me plaisait beaucoup, alors je savais que c’était un travail que je voulais faire. J’ai eu la chance de décrocher un poste au sein de l’équipe nationale immédiatement et je travaillais avec un groupe de gars formidables, ce qui a rendu les choses encore plus agréables. Maintenant, nous sommes toujours là avec le même groupe de gars.

Q: À quel point est-il important pour toi de redonner à ce nouveau groupe de coureurs alpins?

JK: Être en mesure de redonner aux athlètes est plutôt spécial. J’espère apporter une perspective un peu différente et peut-être une expérience qui se différencie des autres entraîneurs parce que j’ai été moi-même un athlète pendant si longtemps. Je suis passé par le système et j’ai atteint les objectifs, alors j’espère tirer profit de cette expérience et de cette perspective afin d’aider les gars à surmonter les défis et les obstacles qui se trouvent sur leur chemin. Je souhaite établir une nouvelle norme pour le ski de compétitions au cours du prochain siècle.

Q: Comment mesureras-tu le succès cette saison?

JK: Mesurer le succès cette saison sera intéressant. Nous avons un groupe de gars un peu diversifié et nous savons où ils se situent dans leur carrière. Pour les vétérans chevronnés Ben Thomsen et Dustin Cook, le but est de se mesurer aux meilleurs et d’essayer de monter sur le podium, et c’est ce que nous visons. Pour les plus jeunes, ils ont comme objectif de terminer régulièrement parmi les 30 premiers afin de commencer à marquer des points pour avoir un meilleur départ en Coupe du monde. Ce sont les principaux objectifs. À un échelon inférieur, on veut que les coureurs gagnent des titres sur le circuit Nor-Am et qu’ils montent sur le podium en Coupe d’Europe en vue d’obtenir des départs sur le circuit supérieur.

Q: Y a-t-il des similitudes entre le groupe de coureurs actuels (nés autour des années 1997) et ton groupe de l’équipe nationale (coureurs nés autour de 1984) qui comptait Brad Spence, Manny Osborne-Paradis, Trevor White et d’autres gars?

JK: Je pense qu’il y a certaines similitudes. Le ski de compétition est un sport intéressant à observer, même à l’échelle internationale, car on constate de grandes fluctuations au cours desquelles des groupes générationnels très forts arrivent. En ce moment, le groupe des années 1997 est fort, et c’est pareil lorsque je courais alors que le groupe des années de 1981 à 1984 était très fort. Il y a certainement des similitudes. Je pense que les athlètes sont différents simplement à cause du changement de génération. Mais je pense aussi que lorsque vous voyez un groupe de gars aussi talentueux, qui se poussent vraiment les uns les autres pour passer à la l’étape suivante, et le milieu qu’ils créent avec les habiletés qu’ils ont, cela est intéressant parce que ça me donne parfois l’impression qu’ils sont un peu comme nous étions dans le temps. Alors c’est cool, et j’espère qu’ils accompliront ce que nous avons fait. C’est le but ultime.

Q: Après tes blessures, tu n’as pu marquer de points qu’une seule fois. Est-ce que c’était surtout une question de gestion de la douleur ou plutôt une bataille mentale lorsque tu es revenu sur le circuit de la Coupe du monde? 

JK: C’était probablement les deux. Il est certain qu’il y avait un énorme élément psychologique en revenant d’une blessure comme celle-là. Mon retour n’a pas été facile de toute façon parce que je me suis recassé la jambe puis je me suis fait mal au dos. J’ai donc raté une occasion, car ce n’est pas une année que j’ai manquée, mais presque trois ans où je ne pouvais pas skier à mon plein potentiel. Donc en revenant sur le circuit, j’étais heureux de marquer des points à Lake Louise, où je m’étais cassé la jambe, et comme c’était ma première course en revenant sur le circuit, c’était vraiment spécial. Ensuite, je crois que ce fut une année difficile. Cependant, la première année au retour d’une blessure, le travail consiste à revenir au niveau où l’on était avant celle-ci, et c’est le processus sur lequel je travaillais. J’avais encore beaucoup de douleur et des facteurs psychologiques à régler, mais dans le plan de retour, c’était la deuxième année qui servait de réel indicateur à savoir si ça passe ou ça casse. Malheureusement, je me suis mis à avoir des vertiges l’année suivante. Cela a en quelque sorte anéanti mes espoirs, car je me voyais refaire ce processus de deux ans encore et je me demandais si j’étais disposé à le faire. J’avais eu mon lot de malchances, alors c’est là que j’ai décidé qu’il était temps de tirer ma révérence.

Q: Aimerais-tu encore faire de la compétition lorsque tu regardes les gars courir?

JK: [Rires] Étonnamment non, je n’ai pas le goût. Je regarde les gars sur le côté de la piste et je pense que c’est plutôt génial. [Rires] Donc non, pour moi, je crois avoir quitté le sport au bon moment. Le portillon de départ ne me manque plus du tout. Évidemment, j’ai encore du plaisir à m’élancer dans un parcours, mais je ne m’ennuie pas de la compétition. Je pense que j’aime vraiment ce que je fais en ce moment, soit de pouvoir aider les gars dans la poursuite de leurs objectifs. 

Q: Quel a été pour toi le plus grand défi ou la plus grande courbe d’apprentissage en tant qu’entraîneur?

JK: C’est une bonne question. Il y en a beaucoup. Je dirais que la gestion du groupe est vraisemblablement un défi énorme. Lorsqu’on est athlète, on vit en quelque sorte dans notre petite bulle avec une équipe autour de nous. On veut être un bon coéquipier, mais au bout du compte on est solitaire. Lorsqu’on est entraîneur, on veut vraiment créer le meilleur environnement et faire en sorte que l’équipe travaille ensemble dans l’harmonie. Je crois que c’est un défi perpétuel parce que l’équipe est composée de différents types de personnalité; les gens sont différents, donc les approches doivent être différentes. Mettre tout le monde sur la même longueur d’onde et s’efforcer vraiment d’aller dans la bonne direction est probablement l’un des plus grands défis. Mais je pense que lorsqu’on établit ces balises, les affaires semblent se régler d’elles-mêmes et cela est plutôt plaisant.

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